De Anchorage à Ushuaia à Vélo

6h15, réveil matin. Quelques étirements. Je me décide à me lever. Il fait encore sombre, le soleil ne se lèvera que dans 45 minutes. Je vérifie qu’aucun scorpion ou aucune araignée ne s’est glissé dans mes vêtements et chaussures avant de les enfiler. Tiens, la tente est humide. Elle n’aura pas le temps de sécher et nous la replierons une nouvelle fois dans son humidité. Notre levée de camp va être accompagnée par le bruit incessant et assourdissant des moteurs de camion stoppés à quelques mètres de notre campement, devant le café qui nous a autorisés à planter notre tente hier soir, à la tombée de la nuit.

Je prends ma bouffée de vapeur d’essence quotidienne en allumant notre réchaud. Je prépare le thé. Malgré tous ces bruits, Sara dort encore quand j’entame mon premier petit déjeuner. Je mange 2 tasses de céréales froides et sèches pendant que je remplis les 6 bidons d’eau, que je détache l’antivol des vélos et refixe les accessoires tels que les compteurs. L’eau bout. Il est temps de réveiller Sara. Après quelques étirements, elle nous prépare notre petit-déjeuner commun : des tortillas fourrées d’un mélange de banane et de pâte à tartiner. Nous les avalons en même temps que nous refermons toutes nos sacoches. Le thé a refroidi, il est temps de replier la tente et de se brosser les dents en utilisant le moins d’eau possible, soit quelques petits centilitres.

8h10, nous remontons en selle pour une nouvelle journée de pédalage qui s’annonce longue. Il fait déjà chaud, une vingtaine de degrés. Le thermomètre ne cessera pas de monter toute la journée. Depuis hier, nous sommes dans une ligne droite et plate de 90km… Nous en avons parcouru le tiers hier. Les camions qui nous dépassent rythment notre progression : ils nous saluent presque tous et nous les saluons en retour. Au bout d’une heure dix et 24km, première pause. Quelques biscuits et nous repartons. Heureusement, le vent est favorable aujourd’hui. Au bout de quelques dizaines de kilomètres, nous avons épuisé tous nos sujets de discussion. Nous décidons d’un commun accord de mettre en route nos lecteurs MP3. Pour ne pas non plus trop s’isoler, nous ne portons qu’une seule oreillette.

L’événement tant attendu de la journée arrive enfin ! La ligne droite se termine. Nous amorçons notre premier virage du jour après 55km, et puis tout recommence… Une nouvelle ligne droite interminable, des camions qui nous croisent ou nous dépassent en nous saluant, et nous les saluons en retour. Nos MP3 rejouent les mêmes mélodies. Le soleil baisse.

Avant la fin de la ligne droite, le soleil se couche et nous sommes contraints de nous arrêter au bord de la route. Pas de douche ce soir, camping sauvage, à l’abri des regards. Nous nous glissons tous collants sous nos sacs de couchage.

Demain, même programme …

Qui a dit que nous étions en « vacances » pendant un an et demi ?

Nous avons traversé la frontière mexicaine il y a 3 semaines et nous voilà à 2 jours de pédalage de La Paz, la grande agglomération au sud de la péninsule, notre porte d’entrée vers le "main land".

L’accueil des Mexicains est toujours aussi chaleureux. Pas plus tard qu’hier, une voiture s’est arrêtée à notre hauteur et nous a tendu 2 cannettes de coca cola, très fraiches, alors que nous étions sous une chaleur de plomb. Nous avons aussi pu camper à côté d’un petit restaurant tenu par une famille, après une longue journée de pédalage et juste à la tombée de la nuit.

Nous nous sommes aussi arrêtés chez Roberta (membre du réseau warmshowers), à El Juncalito, où nous avons pu profiter d’une superbe hospitalité pour la nuit.

Voyager en groupe avec Anja (Allemagne) et David (Canada) rendent parfois les choses plus faciles et nous pouvons partager des dépenses pour les motels, négocier dans les campings. Mais comme dans tout groupe, les prises de décisions sont souvent très longues, les attentes sont différentes : certains ont besoin d’une connexion Internet, d’autres d’une laverie, d’autres encore se satisfont simplement d’un endroit où dormir.

Après la pluie, le soleil et la chaleur sont revenus ; de nouveau plus de 25°C. Nous avons rencontré 2 autres cyclotouristes : David (Canada) et Eckart (Allemagne). David a commencé son voyage à San Diego et souhaite rallier Ushuaia en 7 mois. Lorsque nous l’avons rencontré à Guerrero Negro, il pensait rentrer chez lui, à Calgary, complètement démotivé par les ennuis et les mésaventures qu’il a vécu en peu de temps. Eckart voyage lui pour 3 semaines en Baja Californie, à vélo.

2 nouvelles rencontres, et 2 nouveaux cyclotouristes qui ont parcouru la même route que nous mais qui ont vécu une toute autre aventure ! C’est très amusant comme chacun peut percevoir et vivre le voyage différemment.

Nous constatons aussi de grandes différences d’interprétation sur les cartes routières qui nous servent de guide… A nous 5 (Anja voyage toujours avec nous), nous avons 4 cartes différentes, et il est très rare qu’elles donnent les mêmes informations sur les kilométrages par exemple. Dernièrement, lorsqu’une carte indiquait 80km entre 2 villages, une autre en indiquait 100… Il est fréquent que l’ordre des villages le long d’une route soit inversé d’une carte à l’autre…

Pour la première fois depuis que nous sommes au Mexique, nous ne nous sommes pas sentis en sécurité dans le bourg de Vizcaino. Pour la première fois, nous avons senti les habitants peu hospitaliers, très peu souriants contrairement à d’habitude. Dans notre quête d’un lieu où dormir, nous nous sommes fait aborder par des personnes visiblement sous l’effet de stupéfiants. Quelques instants plus tard, des véhicules militaires sont arrivés en trombe et les soldats qui en sont descendus, le visage masqué et l’arme au poing, ont encerclé une maison…

Le lendemain, c’est une toute autre ambiance qui nous attendait à San Ignacio. Alors que toutes les agglomérations traversées jusqu’à présent ressemblaient à des agglomérations nord-américaines, avec leurs rues larges, droites et perpendiculaires les unes par rapport aux autres, sans véritable centre, ce village ressemble à un village européen avec sa place centrale, la mission (église) qui trône à l’une de ses extrémité, et ses rues étroites et sinueuses. Cet oasis nous a enchantés ! Nous avons campé sous les dattiers et avons mangé quelques dates pour le petit déjeuner.

Mulegé, où nous venons de prendre une journée de repos, nous a réservé un accueil aussi chaleureux qu’à San Ignacio.

Nous avons beaucoup avancé depuis la chute de Sara. En une douzaine de jours, nous avons traversé l’Etat de Baja California, et sommes arrivés mercredi soir dans l’Etat de Baja California Sur, après avoir passé le 28ème parallèle nord. Au passage, nous avons changé de fuseau horaire, et n’avons plus que 8h de décalage par rapport à la France. Nous pédalons toujours avec Anja avec qui nous avons lié amitié.

Après avoir suivi la côte Pacifique, nous avons traversé le désert central de la Basse Californie. Nous avons dû affronter des côtes difficiles (+ de 15% et un col à 879m d’altitude) sous une chaleur assommante (plus de 30°C) pour accéder à la vallée de Los Cirios. Nos efforts ont été récompensés par les superbes paysages désertiques et les forêts de cactus qui bordent la route. Nous avons été surpris par la grande diversité des cactus: allez voir nos photos pour le constater par vous-même!

En particulier à cause des fortes chaleurs, nous avons radicalement changé notre rythme quotidien : nous nous levons désormais à 5h30, une demi-heure avant le lever du soleil. Nous commençons à pédaler vers 7h30. Nous nous arrêtons dans l’après-midi, à 16h00 maximum, le soleil se couchant vers 16h30. Nous nous endormons ensuite entre 19h00 et 20h00. Heureusement pour nous, plus nous allons vers le sud, et plus les jours se rallongent!

Cette dernière semaine, nous avons campé au bord de la route, au milieu des cactus, mais aussi dans des ranchs, où nous avons demandé à planter notre tente et où nous avons été (merveilleusement) chaleureusement accueillis. Ceci nous a permis d’être plus au contact de la population, d’échanger quelques mots, et de nous rendre compte du mode de vie des Mexicains. Nous mangeons la plupart du temps dans des Taqueria, ces petites échoppes au bord de la route qui proposent tacos et autres spécialités culinaires mexicaines. Nous nous en régalons toujours autant!

Après les fortes chaleurs, c’est la pluie qui nous a surpris! Il n’avait pas plu ici depuis plus d’un an! Ces fortes pluies ont surpris tout le monde par leur intensité. Tout est inondé. Les habitations ne sont pas conçues pour supporter de telles précipitations, et il n’est pas rare qu’il pleuve à l’intérieur!

Connue pour la grande variété de sa cuisine…

Nous avons essayé beaucoup de petits restaurants dans les villes et sur les bords de routes. Ici, on mange pour 2€ chacun… Burritos, quesadillas, tacos, tortas… Toutes ces spécialités mexicaines se composent d’une tortilla plus ou moins grande et plus ou moins craquante, de viande (généralement du bœuf), et de guacamole. Ils sont souvent accompagnés de haricots. "Où est la variété ?", allez-vous nous demander… Et bien, nous n’en savons rien !! Il nous faudra un peu plus de temps pour éclaircir ce mystère ! Pas d’inquiétude, nous nous régalons chaque jour !

Connue pour ses températures chaudes…

Voilà 6 jours que nous sommes entrés au Mexique et les températures ne cessent de monter… Nous avons en journée autour de 30°C à l’ombre. Il nous faut donc des réserves d’eau (potable… donc en bouteille !) assez conséquentes : environ 1 litre par personne pour 1 heure de vélo. Heureusement, les magasins qui bordent la route sont nombreux et nous pouvons donc nous ravitailler facilement.

Connue pour ses gens…

Nous sommes accueillis par les Mexicains très chaleureusement. Sur les routes, les gens disent bonjour, et klaxonnent pour nous encourager.

Connue pour ses tarifs touristiques…

Nous commençons maintenant à connaître les tarifs que nous devrions avoir, les tarifs pour les locaux. Il nous arrive donc régulièrement de négocier le prix du motel, ce qui peut paraître déplacé et qui pourtant est nécessaire pour ne pas payer le prix fort destiné aux touristes américains !

Connue pour ces conducteurs qui n’ont peur de rien…

Ici, avec ou sans visibilité, les véhicules qui nous dépassent se déportent en pleine gauche, ce qui est très confortable pour nous… Mais ce qui nous effraie aussi beaucoup car nous savons qu’entre un éventuel véhicule arrivant en face et deux cyclistes à éviter, le choix du conducteur sera vite fait… Nous essayons donc d’avoir toujours une solution de repli au cas où le "pilote" doive se rabattre à droite rapidement.

Connue comme un terrain de jeu grandeur nature pour les Américains…

La Basse Californie est une destination très prisée des Américains… Un peu trop à notre goût… Les conducteurs américains ne font aucune attention à nous, nous rasent de très très près, et semblent débarquer en pays conquis avec leur RV qui traîne leur pick-up, lui-même chargé d’un(e) ou plusieurs quad ou moto-cross…

Plus de peur que de mal…

Une file de voiture, un camion, un virage sur la droite… Aucune visibilité pour ce camion qui souhaite à tout prix nous dépasser… Il ne bouge d’aucun centimètre sur la gauche pour nous laisser un peu de place… Avec le souffle, Sara se voit déportée sur la gauche, entre les roues avants et arrières du camion. Réflexe : redresser la situation en se déportant sur la droite, sur un bas côté sablonneux et instable… La roue avant se plante dans le sable et voilà Sara qui fait un vol plané. Sébastien derrière descend de son vélo en catastrophe et aide Sara, un peu choquée, à se relever…

Au final, rien de mal : Sara a quelques bleus et écorchures, et le vélo rien du tout… Cela aurait pu être plus sérieux !