De Anchorage à Ushuaia à Vélo

Une semaine s’est écoulée depuis notre dernier message. Nous avons en effet traversé des régions désertiques ces derniers jours. La seule « agglomération » où nous nous sommes arrêtés ne comptait que 25 habitants (seulement 5 en hiver) ! Aussi, voici un (long) résumé de nos aventures …

En quittant le camping de Tok lundi matin, nous avons retrouvé Joanes, l’espagnol rencontré à Anchorage le jour de notre départ. Il va comme nous à Ushuaia, en suivant le même parcours. Sous la pluie, nous avons décidé de parcourir les premiers kilomètres ensembles. La météo n’annonçait que des averses éparses pour la journée, ce pourquoi nous avons décidé d’enfourcher les vélos. Malheureusement, les prévisions météorologiques sont assez peu fiables … Il a plu en continu toute la journée … Joanes nous a quitté à Tetlin Junction, lui restant sur l’Alaska Highway en direction de Whitehorse, tandis que nous prenions la direction de Dawson City sur la Taylor Highway (qui se transforme en Top of the World Highway au Canada). Nous n’avons pas choisi la facilité en optant pour cet itinéraire : pentes à fortes inclinaisons (9%). Ainsi les fortes montées et la pluie ont eu raison de notre moral : plus on montait, plus le moral baissait… Nous savions que cette route serait difficile, mais ne pensions pas qu’elle le serait autant. Nous nous sommes arrêtés à bout de forces sur le bord de la route, au milieu d’une côte, pour monter la tente sous la pluie. Précaution oblige à cause des ours, nous avons cuisiné et mangé sous la pluie à 100 mètres de la tente. Nous nous trouvions dans une immense zone dévastée par un incendie en 2002 et par conséquent, sans arbre suffisamment robuste pour y accrocher notre nourriture. Heureusement, de gros tuyaux de canalisations passant sous la route nous ont permis d’y glisser nos sacoches de nourriture.
Le lendemain, la pluie a laissé la place au froid et nous a avons continué à enchainer montées et descentes jusque au-delà de 1000 mètres d’altitude. Nous avons même songé faire demi-tour pour reprendre l’Alaska Highway, en direction de Whitehorse (sans passer par Dawson City). Comme tous les jours, de nombreux camping-cars et pick-ups nous ont dépassés. Soudain, dans une longue montée, l’un d’entre eux s’est arrêté à notre hauteur et nous a proposé de nous amener à Chicken, la fameuse agglomération. Après réflexion, le moral dans les chaussettes et épuisés au bout de seulement 25 kilomètres, nous avons accepté cette proposition, qui nous a permis de nous épargner 50 km d’effort (1 journée de pédalage). Cette avancée nous a en même temps réconfortés et déstabilisés. Elle nous a permis de nous reposer un petit peu et de repartir le jour suivant avec un regain de motivation, mais sans le réapprovisionnement que nous espérions, car contrairement à ce qu’on nous avait dit, il n’y avait aucune supérette à Chicken.

Mercredi, nous avons pédalé toute la journée sur la piste au soleil. Journée difficile (de très fortes et longues montées) mais très agréable du point de vue des paysages. Nous avons terminé par une belle descente qui nous a mené vers une rivière au bord de laquelle nous avons planté notre tente au « state campground ». Ces campings ne proposent qu’un seul point d’eau potable (et ce n’est pas toujours le cas), des toilettes sèches et … des containers renforcés permettant de mettre la nourriture à l’abri des ours. Le soleil étant encore chaud, nous sommes allés prendre notre « douche » dans la rivière. Malgré l’eau glaciale, ce fut un instant mémorable !
Jeudi, nous avons monté … monté … et encore monté … Dans le lit de la rivière au bord de la route, nous avons eu la surprise de trouver 2 chercheurs d’or. En nous voyant, l’un d’eux a eu la gentillesse de venir nous expliquer leur procédé et leurs trouvailles, tout en essayant d’être le plus discret possible face aux véhicules qui passaient. Ils ont trouvé l’équivalent de 4500 $ (3000 €) d’or en 2 semaines ! Un bon filon apparemment ! Au sommet, alors que nous prenions notre pause déjeuner sur les crêtes, un véhicule immatriculé en Allemagne s’est arrêté à notre hauteur : Willy en est sorti accompagné de Marga (sa compagne) et Fernando. Willy parcourt en camion les Amériques depuis 6 ans et nous a invités dans son pied-à-terre au Mexique où il a rencontré Marga. Il nous a aussi offert du saucisson et du cake à la banane et aux raisins. Merci Willy car cette nourriture nous a beaucoup servi ! Pour nous réconforter de cette nouvelle journée difficile, nous nous sommes offerts pour quelques dollars une « cabin » (cabane de trappeur aménagée) à Boundary, un relais juste avant la frontière. Le tenant des lieux – peut être par pitié ? – nous a offert une assiette bien garnie pour le diner. Cela nous a changés de nos pâtes habituelles.

Nous avons passé la frontière vendredi, après une côte de 400 mètres de dénivelée sur 6 kilomètres. Le poste frontière se trouve au milieu de nulle part à 1258 mètres d’altitude … Le douanier canadien nous a accueillis chaleureusement et nous a offert de remplir nos bidons d’eau pour la suite de notre voyage, en précisant qu’il n’y avait aucun point d’eau avant Dawson (à 106 kms de là). Après la frontière, nouvelle côte pour atteindre le point culminant de cette semaine à plus de 1320 mètres d’altitude. La route s’est enfin inclinée dans un sens beaucoup plus favorable pour nous, mais le bonheur a été de courte durée. On nous avait annoncé une route goudronnée et descendante qui s’est avérée être en réalité une piste, parcourant les crêtes à plus de 1000 mètres d’altitude et donc enchainant sans relâche montées et descentes … Nous n’avons pas pu rallier Dawson comme nous l’espérions (avec beaucoup d’ambition) et avons donc bivouaqué à 1150 mètres d’altitude, trop fatigués pour aller plus loin … et pour cause, notre compteur nous annonce plus de 1100 mètres de dénivelée positif de la journée, notre record pour le moment.

La journée de samedi a ressemblé à toutes nos journées depuis notre départ de Tok : montées, descentes … toujours à plus de 1000 mètres d’altitude, sur les crêtes. Nous avons compris pourquoi cette route s’appelle « Top of the World Highway » ! Heureusement, la descente de 14 kilomètres, annoncée par tous, existe vraiment : en 14 kilomètres, nous sommes passés de plus de 1100 mètres d’altitude à 315, altitude de Dawson City. Autant vous dire que nous l’avons appréciée cette descente !! D’autant plus que cela faisait 2 jours que nous puisions dans nos réserves par manque de nourriture et d’eau dans nos sacoches : nous avons tenu 2 jours et 106 kilomètres avec seulement 4 litres d’eau, ce dont nous ne sommes pas fiers… La prochaine fois nous n’hésiterons pas à arrêter les camping-cars qui nous encouragent tout au long de la route (et nous prennent en photos au grand désespoir de Sara ...) pour leur demander de l’eau ou à manger !

Nous voici donc maintenant à Dawson City, la ville de la ruée vers l’or de 1898, où nous avons pu profiter d’une bonne douche bien méritée, boire autant que nous en avions besoin et manger afin de reconstituer nos réserves bien entamées !

MOOSE: il fait partie de la famille des cervidés et en est le plus grand représentant. C'est l'ORIGNAL en français!

Les CARIBOUS font partie de la même famille.

Nous avons mis 4 jours pour aller de Glennallen à Tok, sur la Tok Cutoff Highway, qui a été ouverte il y a un peu plus d’un un siècle, lorsque le gouvernement américain a déclaré la ville de Eagle (près de Dawson City) comme centre minier de l’Alaska.

La première étape a été longue et monotone, à travers des forêts infinies de « spruce ». Nous ne savions pas où nous arrêter pour dormir, mais avons frappé à la bonne porte à Chistochina : à l’entrée du village, nous avons aperçu une table de pique-nique et une installation pour un mobil-home. Nous avons donc tenté notre chance et avons demandé s’il était possible d’y planter notre tente. Nos hôtes étaient en train de réhabiliter les cabanes d’un ancien relai, pour les louer ensuite aux touristes. Nous avons même eu le droit à une visite complète des bâtiments, à une douche chez eux (puisque le bloc sanitaire n’était pas terminé) et à une grande conversation sur les ours et l’Alaska. Nous avons tellement été bien accueillis ici, que nous avons regretté de ne pas avoir passé notre journée de repos à Chistochina plutôt qu’à Glennallen.
Le lendemain, nous sommes repartis très tard après de longues discussions avec nos hôtes et leur amie de Californie qui s’est déplacée pour les aider. Théa nous a proposé de nous héberger à Santa Cruz quand nous y passerons.

Au bout de quelques kilomètres, un homme nous a hélés depuis son pick-up pour nous annoncer qu’il y avait du « free camping » au mile 61… En arrivant, nous avons aperçu un peu de gazon et une table de pique-nique et nous nous réjouissions déjà de planter notre tente dans cet endroit (l’herbe est rare dans les rv parks : il faut souvent planter la tente sur des sols très caillouteux). Mais nous nous sommes réjouis trop vite … Le propriétaire des lieux, qui n’était autre que l’homme que nous avait interpellés quelques heures plus tôt, nous a emmenés derrière sa maison dans un endroit bien moins accueillant … où gisaient quelques épaves de voitures et autres débarras … et nous a montré du doigt ce qu’était le « free camping » : un vieux bus de ramassage scolaire réhabilité en « camping car » ! Et il a ajouté : « this keeps the bear away » … Dans les environs, les ours sont nombreux et n’hésitent pas à s’approcher des maisons. De ce fait, ce propriétaire préfère offrir le « free bus » aux voyageurs, plutôt que de les laisser camper sous la tente. Cela n’a pas rassuré Sara pour autant … Sébastien ne faisait pas le fier non plus, même s’il ne le montrait pas.

Les côtes se sont enchainées le 3ème jour et malgré les superbes paysages que nous avons traversés, nous n’étions pas très motivés pour cette petite étape : 17 miles seulement … avec le vent de face ! En arrivant péniblement à Mentasta Lodge, nous avons demandé l’autorisation de planter la tente sur le morceau d’herbe disponible … mais avons dû faire face à un refus catégorique : « this is MY PRIVATE property » … Nous avons donc dû planter la tente à nouveau sur les cailloux du RV Park local … Dans la soirée, une violente rafale de vent a emporté la tente … Nous voilà sortis en urgence sous la pluie pour la tenir, le temps de trouver une solution pour la remettre en place… Ne pouvant pas planter les sardines, seules de grosses pierres ont pu maintenir la tente au sol !

Nous sommes arrivés aujourd’hui à Tok, après une étape de 77 kilomètres, en partie face à un vent soutenu ! Nous avons eu la chance de voir des moose à plusieurs reprises, ainsi qu’un porc-épic. En reprenant son souffle dans une côte, Sara s’est faite surprendre par un moose qui traversait la route juste quelques mètres derrière elle. Elle a plus pensé à positionner son vélo entre l’animal et elle au cas où il chargerait, qu’à prendre une photo ! Il faut savoir qu’un moose s’il se sent en danger, peut charger et piétiner jusqu’à la mort. Il faut donc se méfier à tout instant de ces grands ruminants à l’air paisible…

Tok est une ville de passage de 1500 habitants avec tous les services possibles pour les voyageurs, mais sans charme … Nous y passerons tout de même notre journée de demain … Repos !

Direction Tok ... Puis Dawson City (Canada)!

Nous souhaiterions être à Dawson pour la grande fête du 1er juillet: le concours annuel de panning (recherche d'or dans les rivières, avec les tamis) ...

Pour la lessive, ne vous inquiétez pas, nous nous en sommes remis! Nous savons que des aventures plus pimentées nous attendent!

Par définition, une fois qu’on a passé un col, le profil est plutôt descendant : nous avons donc eu 2 journées de descentes plutôt douces, jusqu’à Glennallen.

Nous avons croisé 2 cyclotouristes allemands qui viennent en Alaska faire du vélo depuis plusieurs années et qui rêvent de faire un jour Alaska – Terre de Feu à vélo !

Pour notre étape à Tolsona Wilderness Campground, nous avions encore pu bénéficier d’une excellente connexion wifi qui nous a permis de répondre aux e-mails, assis à une table en bois au bord de la rivière.

Nous sommes fort déçus par Glennallen qui était notre objectif depuis une semaine : la ville, si on peut appeler cela une ville, n’a pas de centre. Elle est étendue tout le long de la Highway, sans début ni fin … comme beaucoup de villes américaines finalement ! Il n’y a pour ainsi dire pas grand-chose à faire …

Nous avons tout de même été bien reçus au camping de Northern Nights, même si nous avons mis 2 fois plus de temps à planter la tente sur un emplacement très caillouteux, normalement réservé aux caravanes et camping-cars … pas un brin d’herbe ! Dans la soirée, nous avons partagé avec l’ensemble des autres campeurs (aucun sous la tente !), un énorme brownie fait maison accompagné de glace à la vanille, que nous a offert le propriétaire du camping. Sébastien s’est resservi 3 fois !

Nous avions entrepris de mettre à profit notre journée de repos pour faire un peu de lessive au lavomatic de la ville. Bien mal nous en a pris … Alors que notre vieille machine terminait son cycle avec peine, l’eau de la ville a été coupée … Coupure générale !! Le rinçage semblant être terminé, la responsable du lavomatic a forcé le cycle pour l’essorage … Mais en sortant le linge de la machine, nous nous sommes aperçus qu’il était entièrement taché de traces de terre … Il semblerait que la coupure générale soit due aux travaux de voierie à quelques dizaines de mètres de là … Nous sommes donc repartis, énervés par le temps que nous avons perdu, avec notre linge plus sale qu’il ne l’était en arrivant …

Espérons que nous ayons plus de chance demain avec la longue étape qui nous attend …