On a pédalé et bivouaqué sur le salar d’Uyuni…

Mais que d’efforts pour en arriver là ! Accéder au salar n’est pas si facile que ça!

Partis d’Oruro, la première journée était plate sur le goudron, au milieu des paysages grandioses de l’altiplano. Facile donc avec un vent plutôt favorable. Après 80km, un petit arrêt à des bains thermaux pour la douche, et nous avons planté la tente peu après.

Le lendemain, 40km identiques à la veille pour arriver au dernier bourg significatif avant le salar, où nous en avons profité pour faire le plein de nourriture pour 5 jours. Challapata, une agglomération surprenante qui semble vivre d’un trafic de voitures que nous n’avons pas compris : partout circulent des véhicules de seconde main sans plaques d’immatriculation mais avec beaucoup d’inscriptions sur le pare-brise. Autre détail surprenant : le volant de tous ces véhicules se trouve à droite. Bizarre au milieu d’un continent où « normalement », on roule à droite ! Un des mystères de la globalisation… Nous avons eu la chance de pouvoir pédaler les 40km suivants sans trafic sur une route en construction, parfois sur le goudron, parfois sur de la piste, et toujours avec des monticules de gravier à franchir presque tous les km… Au milieu de l’altiplano stérile, nous n’avons trouvé qu’une petite ruine pour nous abriter du vent fort et glacial. La pleine lune a veillé sur nous toute la nuit, celle-ci se levant à l’est aussitôt après le coucher du soleil à l’ouest!

Tous ces jours, nous avons vécu plus que jamais au rythme du soleil: montage de la tente juste avant son coucher (18h25), préparation du repas ensuite avec les dernières lueurs du jour, repas sous la tente pendant la tombée du froid, et extinction des feux vers 20h30/21h00. Le matin, nous nous levons en même temps que le lever du soleil, vers 6h30, alors que le froid est le plus vif. Heureusement, la température monte vite et devient tout à fait confortable vers 9h00.
C’est cette nuit au milieu de l’altiplano que nous avons passé notre nuit la plus froide. Notre témoin, c’est l’eau qui reste dans nos bidons toute la nuit : cette fois-ci, cette eau était entièrement gelée et l’intérieur de nos bidons n’était que de gros glaçons.

La troisième journée, c’est sur de la piste que nous avons dû faire face à un vent de plus en plus fort. Pour compliquer le tout, nous avons fait l’erreur de prendre un « raccourci » pour éviter une zone de travaux. Nous nous sommes retrouvés à pousser nos vélos sur un chemin ensablé et avons perdu près d’une heure et beaucoup d’énergie. Nous avons calculé qu’à ce rythme là, il nous faudrait un jour de plus pour rallier Uyuni, et donc plus de nourriture et plus d’essence pour le réchaud… Au village suivant, nous nous sommes renseignés auprès des habitants pour savoir s’il y avait des transports en commun pour nous avancer d’une journée. Ils nous ont répondu qu’il n’y avait rien ce jour là, mais qu’il y en aurait le lendemain. Effectivement, nous avions remarqué que nous ne nous étions pas encore fait dépassés par le moindre véhicule, mais que nous avions croisé quelques cars et camions, ces derniers servant de transport public en Bolivie ! Nous avons donc continué face au vent, se disant qu’on verrait bien ce qui se passerait… Nous avons dû traverser un gué pieds nus, ce qui nous a encore fait perdre du temps. Nous avons passé notre déjeuner à regarder passer les tornades autour de nous en espérant qu’aucune d’entre elles nous ramène en arrière ! Quelques kilomètres après cette pause, la silhouette d’un camion est apparue dans le rétroviseur. Nous n’avions parcouru que 37km au lieu des 60 prévus, le vent nous épuisant et nous décourageant. Il ne nous a pas fallu longtemps pour nous dire que nous pouvions tenter notre chance, et nous avons arrêté le camion, le seul à nous dépasser de la journée, alors qu’il était déjà 15h00… Le chauffeur a lui aussi tenté sa chance et nous a demandé 20 dollars pour aller jusqu’au village suivant, à 70km de là. Nous avons trouvé un accord à 20 bolivianos (7 fois moins, soit 2 EUR). En quelques minutes, nous nous sommes retrouvés dans la benne d’un camion avec nos vélos et toutes nos sacoches, à nous faire balloter au gré des bosses de la piste, et à respirer à travers nos écharpes et foulards pour éviter de respirer trop de poussière. 4h plus tard, le chauffeur nous a délivrés, à la nuit tombante à la station service de Salinas de Garci Mendoza. Nous avons fait le plein d’essence et avons disparu dans la nuit devant l’air perplexe et plein d’incompréhension des locaux. 2km après la sortie du village, nous avons trouvé dans l’obscurité un très beau coin pour bivouaquer.

Nous savions que le 4ème jour serait dur sur une piste rassemblant tout ce qui peut être difficile: rochers et cailloux cassant et rebondissant, sable, poussière, tôle ondulée, nous avons tout eu! Mais cela valait la peine, car nous avons contourné le volcan Tunupa dans des paysages magnifiques, à traverser des hameaux incroyables, et pour finir en débouchant au dessus du salar d’Uyuni! Quelle émotion en le découvrant au dessus d’une bosse ! Nous sommes arrivés dimanche après-midi après 35km à Tahua au beau milieu d’une réunion publique de la mairie sur la place du village. Evidement, nous ne sommes pas passés inaperçus! Le message de notre recherche d’un toit est vite passé, et une jeune femme nous a ouvert la porte de la modeste auberge qu’elle tient, et où elle accueille beaucoup de cyclistes voyageurs de passage, français pour la plupart! Nous avons pu profiter d’une douche (électrique) à peu près chaude, et nous n’en demandions pas tant! Nous n’étions peut-être pas les premiers à dormir dans les draps du lit, mais tant pis!

Le lendemain, notre hôte nous a indiqué laquelle de toutes les "îles" visibles était l’île Incahuasi, notre objectif, mais arrivés au niveau du salar après une petite descente sur de la piste sablonneuse, nous l’avions perdue de vue : éloignée de 40km, l’arrondi de la surface terrestre nous empêchait de la voir. Nous connaissions les coordonnées GPS de lîle, et notre GPS nous a donc indiqué la bonne direction au milieu de cet infini blanc. Quelles sensations lorsque nos pneus ont commencé à crisser sur le sel! Nous avions l’impression de rouler sur un lac gelé, mais où l’adhérence est parfaite. La platitude est incroyable, et nous avons mis le cap plein sud pour une ligne droite de 40km, le vent sur le côté. Nous avons pédalé les yeux fermés pendant 10, 20, puis 30 secondes, et même 1 minute! Des sensations indescriptibles, et les yeux fermés, impossible de tenir le bon cap (voir vidéo lorsqu’elles sera en ligne), notre cerveau nous joue des tours! Au bout de quelques kilomètres sur cette mer de sel, nous avions le vertige. Déboussolant! D’ailleurs, il parait que les boussoles n’indiquent pas le nord sur le salar… Des traces de voitures partent dans tous les sens, et il est très facile de se perdre dans ce désert blanc!

En arrivant à l’île, les touristes des 4*4 des tours organisés nous ont rapidement repérés et nous ont photographiés à bonne distance, comme des animaux de zoo. Voyant cela, nous nous sommes à peine arrêtés, nous disant que nous serions plus tranquille sur l’autre côté de l’île pour notre déjeuner. Mais alors que nous partions d’un bon coup de pédale, l’un des touristes, plus hardi que les autres, s’est approché pour échanger quelques mots, et nous nous sommes arrêtés. Il faisait partie d’un groupe de Français qui nous ont offert à manger en contrepartie du récit de nos aventures: super sympa! Nous sommes ensuite grimpés sur cette île couverte de cactus pour quelques photos et mesurer la force grandissante du vent d’ouest. Cela tombait bien, puisque nous devions nous diriger vers l’est. Nous avons donné un coup de pédale pour démarrer, et n’en avons plus donné un pendant 40km! Le vent nous poussait littéralement, et nous croisions à une vitesse oscillant entre 20 et 25km/h, sans pédaler! Cela ne nous était jamais arrivé en plus de 15.000km (au passage, cela fait aussi plus de 1000 heures que nous passons en selle depuis Anchorage!). Nous avions prévu de bivouaquer en plein milieu du salar, un vieux rêve, mais nous n’avons pas essayé: le vent trop violent nous aurait empêché de monter la tente, d’autant que sur cette surface très dure, il est strictement impossible de planter une sardine. Il était déjà 16h00, l’heure à laquelle nous avions prévu de nous arrêter. Nous avons préféré nous mettre à pédaler pour rallier au plus vite un abri: nous avions les coordonnées GPS d’un vieil hôtel de sel situé sur le salar (dont l’exploitation est désormais interdite), à 7km de la berge, et nous l’avons atteint après 104km sur le salar dans la journée. Nous avons pu arrimer la tente à l’aide de blocs de sel, à l’abri du vent derrière l’édifice salé ; pas au milieu du salar comme dans notre rêve, mais au moins sur le salar. Nous avons eu l’impression de camper sur la banquise, et avons pu admirer le coucher et le lever du soleil. A notre grande surprise, il n’a pas fait si froid que cela, malgré le vent glacial: l’eau de nos bidons a à peine givré.

Le lendemain matin, le vent glacial nous a figé, et après une bonne séance photo, nous avons commencé à pédaler, toujours le vent dans le dos, que vers 11h00. A la sortie du salar, après avoir longé les pyramides de sel des exploitations et avoir rebondi sur de la piste en tôle ondulée, nous avons rencontré 3 cyclo-voyageurs français à Colchani. Nous avons discuté pendant presque 3h de nos expériences respectives. Le vent a continué à nous pousser sur la piste poussiéreuse jusqu’à Uyuni. Cette ville nous a tellement plu que nous avons cherché à la fuir au plus vite. Pour éviter 200km de piste en tôle ondulée sableuse, nous avons mis les vélos dans un car hier matin à 6h00 pour venir jusqu’à Tupiza où le climat est bien meilleur pour un jour de repos, car situé 700m plus bas que l’altiplano. Ayant pu voir hier depuis le bus l’état de la piste, nous ne regrettons pas du tout notre choix!

Nous partirons demain pour un tour en 4*4 (bien sûr en dehors du cadre de l’association!) de 4 ou 5 jours dans le massif du Lipez.

NB: Le salar d’Uyuni est la plus grande étendue de sel au monde (12.106 km², soit l’équivalent de 2 départements français. Il résulte de l’assèchement par évaporation d’un immense lac qui recouvrait tout le sud ouest de la Bolivie il y a 25.000 ans. Ce lac ne disposant pas de « sortie » sous forme de rivière par exemple, les minéraux des montagnes alentours s’accumulent depuis des millénaires.

NB2 : Pour ceux qui ne connaissent pas ce qu’est une piste en tôle ondulée, retenez que c’est l’horreur du cyclo-voyageur! En fait, sous l’effet du vent et des amortisseurs des véhicules qui l’empruntent, une piste plane se transforme en une succession de vaguelettes qui ressemblent parfaitement à de la tôle ondulée.

[Drapeau de Bolivie Sebastien | Le 10-09-2009 17:05 | 7 commentaires]

Commentaires

[France Seb | Le 14-09-2009 18:32]

Bonne partie de rigolade avec les Photos!!!!

[France Gwenaël | Le 13-09-2009 23:47]

Excellentes photos !

[France Liliane et Jean-Pierre | Le 12-09-2009 09:21]

Bravo! Le salar d'Uyuni est vraiment impressionnant. On se croirait sur la banquise (où sont les ours polaires!) ou sur la lune. On constate aussi que vous avez repris goût au camping! Bonne continuation.

[France Frérot 1 | Le 11-09-2009 20:50]

Tolle ondulée, enfer pour les voitures et vélos...mouais...moi, je me pencherais quand même plus sur la nature du sol que sur l'aspect: du sel, du sel et encore du sel... que du bon pour une chaine de vélo! Autrement, les dernières photos sont sympas. @+

[France Mistinguette | Le 11-09-2009 09:50]

Ravie d'avoir de vos nouvelles : récit à couper le souffle, et photos originales et artistiques ... il y a de la recherche :-) Prenez soin de vous. GROS BISOUS

[France Gill | Le 11-09-2009 09:16]

quant aux photos, géniales !

[France Gill | Le 11-09-2009 09:09]

ça, c'est de l'aventure ! Bravo ! vous méritez la journée de repos ! j'espère que le vent glacial ne vous ont pas enrhumés... Quantà la tolle ondulée, c'est l'enfer aussi pour les voiture ! Bises et bon courage.

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