Pour le meilleur et pour le pire

Jour 1: Izcuchaca

Nos sacoches sont remplies à ras bord de tout ce qu’il nous faut pour 4 jours : de quoi pique-niquer (thon, tomates, pain, mayonnaise, chips/biscuits salés), les repas du soir (sachets de soupe, pâtes et desserts au chocolat) et en-cas. Nous sommes lourds à la sortie de Huancayo, après avoir visité ses 2 grands supermarchés!

La route qui mène à Izcuchaca est goudronnée, mais j’ai du mal à tenir la cadence que Sébastien m’impose: mon corps est fatigué, peut être le contre coup de ce grand col à plus de 4800 mètres d’altitude.
En chemin, nous passons de nombreux contrôles de police (cette route est très utilisée par le cartel de la drogue). A l’un d’eux, l’agent en charge nous pose quelque questions, plus pour se divertir que pour nous questionner. Il nous invite finalement à camper au commissariat d’Izcuchaca pour la nuit. Nous n’y allons pas, préférant l’auberge du village avec une douche. Sébastien va voir une chambre avec salle de bain privée. Le gérant en fera préparer une autre avec lit simple et salle de bain partagée. Nous négocions le prix et exprimons fortement notre mécontentement. Il n’y a pas d’eau chaude, mais il fera installer par son employé le chauffeur électrique…

Nous n’en avons pas encore parlé, mais au Pérou, dans de nombreux hébergements, il n’y a que de l’eau froide. Pour l’eau chaude, ils installent une espèce de bouilloire électrique sur l’arrivée d’eau, juste au-dessus de la tête lorsqu’on est sous la douche. A l’intérieur, une résistance fait chauffer l’eau. Selon le débit, l’eau chauffe plus ou moins. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas eu beaucoup de chance : dès que nous actionnions le fusible de ce chauffe-eau de fortune, la résistance grille et/ou nous nous prenons des décharges électriques dans le robinet. Pour une fois, nous arrivons à avoir une douche chaude (nous expérimentons ces douches électriques depuis le Mexique…). Comme pour se rattraper, le gérant nous offre aussi 6 pains locaux.

Jour 2: mouches des sables

Nous quittons Izcuchaca tôt le matin dans le but de faire le maximum de kilomètres, sur la piste. Nous pensons encore pouvoir atteindre Mayocc le lendemain. Mais mon corps ne veut rien entendre. Déjà le matin, j’ai mal aux jambes. La piste est cassante, nous rebondissons sur chaque pierre. Un coup de pédale sur le goudron en vaut 10 sur cette piste poussiéreuse.

A chaque véhicule qui passe, nous nous couvrons le visage pour nous protéger de la poussière.

Au bout de 29 kilomètres, nous décidons de planter la tente. Nous entendons un cours d’eau descendre de la montagne, ce qui nous fait présumer que l’eau est plus propre que celle du Rio Mantaro, cette rivière très polluée qui descend de La Oroya. Un chemin descend un peu et nous y découvrons un bassin. Nous plantons la tente sur le chemin à peu près sec en croisant les doigts qu’aucun véhicule ne passera par là. Plus bas, les habitations sont abandonnées.

Nous prenons une douche en nous battant avec les mouches des sables. Ces petites mouches ne piquent pas, elles mordent et repartent avec un bout de notre chair, laissant une petite plaie qui gratte fortement. Elles peuvent aussi transmettre la maladie, la "bartonellose", une forte fièvre et des douleurs dans les os. Nous nous protégeons comme nous pouvons, mais dès que nous nous arrêtons ou que nous sommes trop lents dans les montées, elles nous entourent par centaine et festoient.

Jour 3: mouches des sables et village abandonné

40km… Toujours autant de mouches des sables… Nous commençons à devenir fous. Nous ne nous asseyons plus pour manger à midi, préférant bouger dans tous les sens pour empêcher ces bestioles de se poser sur nous. Nous mettons aussi du repousse-insectes, celui que nous mettions au Yukon et en Colombie Britannique, une odeur qui ne nous manquait pas! Ce produit ne les décourage pas, mais elles arrêtent de se poser sur nous et nous avons un moment de répit, malheureusement de courte durée.

Heureusement, ces mouches des sables disparaissent au coucher du soleil, pour mieux réapparaître au lever du soleil…

Nous nous arrêterons dans un village abandonné pour la nuit. Nous demandons à un homme sur le bord de la route. Il nous explique qu’ils ne sont plus que 2 familles dans le village. De lui-même, il nous demande si nous avons besoin de repos et nous indique les bons endroits pour camper dans ce village délabré. D’autres cyclo-voyageurs comme nous se sont déjà arrêtés ici.

Un ruisseau venant tout droit de la montagne passe dans le village. Je vais en amont pour prendre une douche avec ma casserole: l’eau me glace le crane, mais comme c’est bon de se sentir propre ! Sébastien se douchera lui aussi, mais à la tombée de la nuit : il préfère nettoyer à la lumière du jour à l’aide d’une brosse à dents les chaines de nos vélos, poussiéreuses et grippées.

J’en profite aussi pour laver quelques sous-vêtements et je repense à ces femmes, croisées plus tôt dans la journée, qui lavent de grosses couvertures dans cette eau glacée, à la main. Je sourie avec les 2 culottes et les 2 slips à mes pieds… J’ai vraiment l’air ridicule!

Jour 4: mouches des sables… encore et toujours

33 kilomètres au compteur pour aujourd’hui. Une dure journée encore dans la poussière et ballottés sur nos selles comme des sacs de patates. La piste est de plus en plus mauvaise. Des ouvriers qui sont venus pomper de l’eau dans la rivière du village abandonné ce matin pour arroser la piste nous ont pourtant promis une piste meilleure… Il n’en est rien …

La terre est brassée dans les virages, ne nous facilitant pas la tâche. Nous devons souvent poser le pied pour être sûr de ne pas dévier: à notre droite, la falaise et la rivière en contrebas, ce qui me donne de sacrée sueurs froides (eh oui, toujours sujette au vertige et à la peur du vide). Pas de glissière de sécurité. De toute façon, même s’il y en avait une, elle aurait disparu depuis longtemps avec les pluies qui tombent chaque année.

Dans un tournant, je tombe et mon vélo se pose tranquillement sur ce matelas de poussière d’une dizaine de centimètres, soulevant ces petites particules. Je peste, les mouches des sables s’abattent sur moi. Je m’énerve, je crie. Quelques minutes plus tard, un chien se jette sur Sébastien qui tombe aussi… Le chien aura son lot de pierres et ne reviendra pas l’ennuyer…

Nous avançons et nous arrêtons bien tard: impossible de trouver un accès à l’eau. Les ruisseaux qui descendent de la montagne sont tous entourés d’habitations de fortune avec des locaux qui se moquent de nous sur notre passage. Nous n’avons pas envie de demander l’hospitalité ce soir, alors nous avançons, espérant qu’à chaque tournant que la route fait, un chemin nous permettra de camper à l’abri des regards.

Finalement, nous mettrons notre tente près du Rio Mantaro, cette rivière si polluée. Nous espérons que les polluants se sont posés plus en amont et descendons pour une douche. Nous filtrons aussi son eau, car nous n’en avons plus: dans tous les villages que nous traversons, il est impossible de trouver de grandes bouteilles d’eau et les locaux nous demandent à chaque fois pourquoi nous ne buvons pas l’eau offerte par la nature. Eh oui, ici, l’eau n’est pas potable, mais les gens la boivent quand même. Nous verrons pendant la soirée, des personnes descendre au Rio Mantaro et remonter avec leurs bidons pour boire cette eau…

Jour 5: la plus belle invention de l’histoire?? le GOUDRON!!!!!!!!!!!!!

28 kilomètres…

Le matin, nous sommes déjà assaillis par les mouches des sables. Elles nous fatiguent nerveusement. Nous n’en pouvons plus. Nous nous réveillons même en pleine nuit, alors que nous nous grattons jusqu’au sang dans nos rêves et en réalité. Nous sommes à bout. La décision est prise: nous irons jusqu’à Mayocc, puis nous prendrons un moyen de locomotion motorisé. Nous sommes même prêts à voyager dans un semi-remorque s’il le faut.

Ah Mayocc, le nom d’un village où nous savons qu’il y a un commissariat et un hébergement possible très miteux. Ce village, nous pensions l’atteindre le jour 3… Quand nous y arrivons, nous déchantons vite: 3 petits magasins, un village fantôme… Nous faisons quelques courses pour manger le midi et des pâtes pour le soir au cas où, puis nous nous postons devant le commissariat. Après une longue indifférence de la part des policiers, ils viendront finalement nous voir. Nous leur expliquons nos plans et le gradé, qui arrête tous les véhicules qui passent (route de la drogue), leur demandent s’ils peuvent nous prendre. Nombre d’heures d’attente: 4 heures. Nombre de véhicules qui passent: 6!! Finalement, un collectivo (minibus) à vide nous prendra et nous déposera seulement 20km plus loin, à 10 kilomètres de Huanta que nous atteindrons à la nuit. Nous comprendrons plus tard qu’il allait chercher des travailleurs des champs pour les ramener chez eux, dans un village reculé, dans les montagnes.

Nous retrouvons le goudron juste à l’entrée de cette petite ville ! Les coups de pédales sont plus faciles et nous montons sans aucun souci.

Nous retrouvons la civilisation, fatigués nerveusement. Les mouches des sables nous auront jusqu’au bout. Nous nous offrons un quart de poulet et des frites et nous couchons dans un vrai lit.

Jour 6: Ayacucho… Enfin!

50 kilomètres goudronnés. Nous avons l’impression de voler. Nous nous arrêtons sur le chemin pour voir quelques ruines incas, mais elles ne sont pas très impressionnantes.

Depuis que nous avons retrouvé le goudron, nous avons retrouvé les ordures qui bordent les routes, les chauffards qui n’hésitent pas à doubler alors que nous sommes en face avec aucun moyen de repli, les “Gringos” qui fusent avant même le “buenas dias/tardes” d’avant. Nous perdons patience. Nous sommes fatigués physiquement, moralement et nerveusement. Nous n’avons plus aucune patience pour rien. Quand un chien nous poursuit pour nous mordre, la famille rit, ce qui a le don de m’énerver fortement.

Nous arrivons enfin à Ayacucho, grande ville étape de cette traversée pour Cusco. Nous mettrons une heure et demie pour trouver un hébergement décent à un prix correct, dans une ville où ça monte et ça descend.

La suite?

Les mouches des sables sont nos pires ennemies. Elles sont capables de nous mener à bout en un rien de temps.

Nous savions que sur cette route, entre Huancayo et Abancay, beaucoup de cyclo-voyageurs ont souffert. Certains ont continué malgré tout et nous leur tirons notre chapeau. Nous avons mis 6 jours pour la partie la plus facile de cette piste renommée la plus dure dans la traversée des Amériques, mais aussi la plus belle. D’autres ont jeté l’éponge et ont pris des moyens de locomotion alternatifs.

Nous ferons partie de ces derniers : nous prendrons un moyen alternatif pour nous rendre à Abancay, afin de passer cette piste caillouteuse et poussiéreuse. Nous “manquerons” 3 cols à plus de 4000 mètres d’altitude, une course avec les vigognes sur le haut plateau, mais cela vaut mieux ainsi, pour notre mental, notre physique et notre équipe. Cela ne sert à rien de se dégouter du vélo alors que nous avons encore tant de choses à découvrir.

PS: le meilleur sur ce tronçon, ce furent les superbes paysages et le bonheur de planter sa tente dans la nature!

[Drapeau de Pérou Sara | Le 01-07-2009 23:50 | 6 commentaires]

Commentaires

[France Gill | Le 04-07-2009 09:19]

Ou bien serait-ce la Spiriverpa lunulata ? Pour s'en protéger, comme poru se protéger de tout autre, le anciens s'enduisaient d'huile de coco sur les pieds et jambes.... Le gras étant l'ennemi juré de tous ce genre d'insecte. On vous espère libérés...

[France Dominique | Le 03-07-2009 22:22]

Sage décision de passer à un autre moyen de locomotion, faut ménager la monture. Ce que vous avez vécu évoque les déplacements que j'ai connu "à mon époque" sur le même genre de piste. Malgré les trajets dans la benne des camions avec les locaux et leurs poules ou juchés sur le courrier placé sur le plateau de la camionnette des postes, le toutbdans l'air glacial, c'était moins dur que ce que vous avez connu. J'ai fait aussi connaissance avec ces insectes, je crois des "pumas waraquichi" qui malgré nos cigarettes fumées avec un blouson sur la tête ont réussi leur attaques qui nous ont conduit dans un hôpital pour soigner fièvre et autre effets. Période difficile, mais toute période passe, alors gardez courage. J'attends vos photos mais dans les conditions citées, ce n'était certainement pas votre principal souci.

[France Seb | Le 03-07-2009 13:06]

Grosse galère!!!! Courage à vous deux, ça va tourner faitent le dos ron en attendant. Pour les mouches il exite deux techniques anciennes connues dans le Jura des cueuilleures de baies des bois. En 1 tu fume le cigar ( peut compatible avec le vélo....) En 2 tu prends une chemise à manche longue tu trempe dans du vinaigre ( faut suporter l'odeur...)

[France Mistinguette | Le 03-07-2009 12:48]

Eh bien, moi ! je suis passée experte dans la chasse aux mouches !Il est vrai que j'ai une technique bien à moi ... pas à la portée de tous ! GRrrr ...

[France JP | Le 03-07-2009 09:54]

Oh là là quelle galère! Tenez bon et courage. Les mouches des sables me rappellent les brulots du Québec; c'est terrible!

[France Gill | Le 02-07-2009 21:39]

Mon petit commentaire d'encouragement de ce matin a sauté. Donc tenez bon, ménagez la monture, les "anges" ne sont sans doute pas loin. Bises

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