Épée de Damoclès

Samedi 14 mars, entre Léon et Managua.

Ce matin, nous sommes partis tôt, plus de 90km à faire pour rallier Managua, la capitale du Nicaragua, avant le coucher du soleil. Nous sommes arrivés dans un petit village, à 20 km de Managua. Là, un homme a couru depuis l'autre côté de la route et m'a crié "just 1 second, please!". Je ne me suis pas arrêtée: je sentais que quelque chose n'allait pas. Sébastien s'est arrêté. Il a discuté avec cet homme, qui n'était autre que Kevin, un cyclotouriste de nationalité allemande et bolivienne. Il est parti de Mexico et rentre chez lui, en Bolivie. Je me suis alors arrêtée, ai reculé en poussant mon vélo … Et là, la nouvelle est tombée: "ce matin, à 7 heures, sur cette route, une cyclotouriste s'est faite braquer". Nous avons pris cette information en pleine figure, comme un coup de poing. J'ai commencé à paniquer. Kevin nous a alors montré son vélo à côté du commissariat. Nous sommes allés poser les nôtres à côté du sien et c'est là que nous avons fait connaissance de Sylvie.

Sylvie, canadienne francophone, a beaucoup voyagé à vélo et a beaucoup d'expérience: elle a pris quelques années sabbatiques de son métier d'enseignante pour parcourir le monde, des voyages de 6 à 7 mois environ. Elle est partie de Panama et remontait vers le nord. Ce matin, elle est partie de Managua et après 15 km, une voiture s'est arrêtée en la serrant à droite et en ouvrant la porte avant, l'obligeant à s'arrêter elle aussi. A bord, 4 hommes avec chacun une arme. Le conducteur est resté au volant. Les 3 autres, bien organisés, l'ont pointé avec une arme, ont mis son vélo dans le coffre de la voiture (qui était une petit voiture citadine de type clio, donc le vélo dépassait), l'ont fouillée au corps afin de ne rien lui laisser (au cas où elle cachait de l'argent sur elle) et sont remontés à bord du véhicule. Sylvie s'est enfuie dans les fourrés de peur de se faire kidnapper ou de se faire tirer dessus. Elle a arrêté une voiture pour l'emmener au commissariat le plus proche, là où Kevin avait planté sa tente la veille, ne trouvant pas d'hôtel.

Sylvie s'est donc retrouvée sans argent, sans papier, rien. Heureusement, Kevin avait un téléphone portable pour appeler au Canada (le poste du commissariat ne fonctionne que pour les appels locaux!), lui a prêté un peu d'argent et a traduit pour elle (il parle couramment espagnol et anglais). Le copain de Sylvie a été très rapide pour envoyer de l'argent via Western Union. Mais comme elle n'avait pas de papier d'identité, elle a dû faire envoyer l'argent au nom d'un policier qui l'a accompagnée à l'agence. Et c'est là que les policiers, et surtout un officier et son supérieur, ont commencé à lui demander de l'argent pour tout et n'importe quoi: pour l'essence pour aller à l'agence de Western Union, pour le taxi que le chef prendra pour chercher les bandits... L'officier, lui, n'a pas voulu que Sylvie achète elle même son repas: il est allé lui acheter et a gardé au passage la monnaie. Il en a été de même pour faire une photocopie de la déclaration d'agression et de vol. Quand enfin Sylvie s'est décidée à repartir en chicken bus à Managua (où nous l'avons rejoint en pédalant à 3, sur nos gardes), les officiers lui ont dit qu'un geste-cadeau serait le bienvenu pour tout ce qu'ils ont fait pour elle! Elle leur a laissé la seule chose qu'elle avait avec elle, hormis ses vêtements: son casque…

Nous nous sommes donc retrouvés tous les 4 à l'hôtel (juste à l'entrée de Managua, dans un quartier pas top) où Sylvie avait passé la nuit vendredi soir. Elle est arrivée la première et a raconté son histoire aux gérantes, qui lui ont répondu qu'elle avait de la chance d'être en vie.

J'avais au fond de ma sacoche, un débardeur que je voulais donner, mais à quelqu'un qui en avait besoin. Je l'ai donné à Sylvie qui n'avait que son t-shirt et son short de cycliste (peau de chamois). Puis je lui ai donné des sous-vêtements, paire de chaussettes dont j'estimais ne plus avoir besoin (comme quoi, on ne voyage jamais vraiment avec le strict minimum!). Bien entendu, nous lui avons aussi mis à disposition nos réchaud et tout autre chose dont elle aurait besoin.

Nous avons essayé d'être présents auprès de Sylvie autant que possible, se mettant à sa place. Puis il a été l'heure de se coucher, et c'est à ce moment là que notre amie a réalisé ce qu'il s'était passé: impossible de fermer l'œil de la nuit sans avoir l'impression de revivre en direct l'épisode...

En quittant le Honduras et en entrant au Nicaragua, nous nous sentions plus en sécurité, nous avons soufflé un peu et relâché nos gardes. Cette malheureuse histoire nous montre que nous ne sommes pas à l'abri de ce genre d'incident.

Nous avons pris conscience du fait que nous devons être encore plus prudents que nous ne l'avons été jusqu'à présent concernant la sécurité de nous même, mais aussi de notre vie privée (code d'accès et différents mots de passe), sans oublier la protection des choses plus sentimentales comme les photos, les vidéos, un vélo sur lequel on a posé ses fesses pendant tant de kilomètres et qu'on aime et hait à la fois, des sacoches qui ont encore les trous de la dernière chute, etc.

Comme dit le dicton: "un mal pour un bien" … Il n'empêche que nous ne souhaitons ce mal à personne…

PS:

Sylvie (www.sylvietheberge.com) s'est rendue à l'ambassade aujourd'hui (lundi) pour un nouveau passeport. Si tout s'est bien passé, elle prendra un vol demain pour rentrer auprès de ses proches … Mais pas pour longtemps, puisqu'elle prévoit déjà son prochaine voyage, dans un pays un peu plus sûr quand même! Nous lui souhaitons tout de bon pour la suite et qu'elle passe au dessus de tout cela rapidement pour partir vers de nouvelles aventures.

PS2 par Sébastien:

Quelques impressions sur le Nicaragua :

Les paysages sont plus beaux qu'au Salvador et qu'au Honduras. Le vent de face y est plus fort. Il y a moins d'enfants et de personnes hurlant des « gringos » et « gringa » sur notre passage, plus de personne venant nous demander de l'argent, mais toujours de belles rencontres.

[Drapeau de Nicaragua Sara | Le 16-03-2009 23:06 | 5 commentaires]

Commentaires

[France Melissa390@hotmail.fr | Le 24-03-2009 20:31]

Boujour je ma pelle Melissa j ai 9ans le 28 mars 2009 . Vous avez du rencontre Sara et Sebasin c est un couple formidable . vous avez u beaucoup de chance de pas est morte Sara et Sebasin vont t il bien j aiseper au revoire classe de ce2 et cm1 avec Jacque gros bisou a vous je vous en gourage

[France Monique B | Le 24-03-2009 13:19]

Courage à vous, et à Sylvie. Je vous espère en bonne forme malgré tout, et pleins d'énergie. Bien amicalement

[France Seb | Le 23-03-2009 16:58]

Celà fait un bout que je ne suis pas venu prendre de vos nouvelles, s'a fait un choc de lire ça!! Soyez prudent et vigilant!!! Courage à vous deux!! Et bonne chance à sylvie pour la suite

[France Mélodie | Le 20-03-2009 02:27]

Quelle histoire !... Je découvre tout juste votre blog grâce à l'histoire publiée sur CouchSurfing. Moi-même pour l'instant à Mexico, je trouve le machisme omniprésent extrêmement difficile à supporter.. Et les histoires d'enlèvement font froid dans le dos. J'espère que tout va mieux pour Sylvie, et suis contente de voir que cette histoire ne lui enlève pas l'envie de voyager ! Bon courage à vous pour la suite de votre impressionnant trajet. Amicalement.

[France Gill | Le 17-03-2009 13:48]

Un grand soutien amical à Sylvie et plein d'encouragements à vous. Luttez pour qu'un malheur n'éclipse pas mentalement tous les petits bonheurs ! On pense à vous.

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